« … J’avais un « laisser passer » que je renouvelais tant bien que mal chaque année. Il donnait un accès illimité aux expositions, un rabais symbolique à la librairie, une invitation à un pré-vernissage la veille de la grande déambulation officielle (un spectacle rare) et l’occasion de rencontrer les artistes invités. L’accrochage bien souvent n’était pas terminé, on en était encore à sortir les pièces des caisses, voire à sortir les caisses des camions quand ce n’était à attendre les camions… La halle retrouvait sa vraie dimension, lieu de manutention, de stockage, le vieux pont roulant définitivement immobilisé devait en frémir d’aise. La soirée se terminait par un buffet plutôt bien achalandé…

La première fois que j’y participais en tant que représentant d’une revue confidentielle, on faillit me jeter dehors… Puis on se résigna à me voir, j’avais payé mon écot, je semblais même vaguement connaisseur, mais je dénotais… Le Magasin avait ses rites, L ses codes, sa clientèle, c’était une tribu. Le Magasin IV plus encore peut-être. Je n’en étais pas. pire, je n’avais manifestement aucune envie d’en être. Je n’étais ni prof, ni cadre supérieur ou moyen, ni collectionneur, ni élu du peuple… Tout juste un petit bureaucrate minable, un fauché, toujours à courir après le dernier car qui lui éviterait de rentrer à pied. Vingt kilomètres à pied ça use,  ça use les souliers… qu’ils soient déjà percés ou non… »